Alexandra Marini
Introduction au catalogue « Les Quatre Saisons », Monaco Modern’art, 2010
Avec cette nouvelle série, Philippe Pastor porte à son paroxysme la question de l’homme indissolublement lié à la nature. Elle se conjugue autour d’une idée force : la négligence de nos contemporains face aux bouleversements climatiques et leur détachement croissant à l’égard du cycle biologique de la terre, c’est à dire l’alternance des saisons. Sensible aux problèmes d’un monde dans lequel l’homme perd ses repères, l’artiste entame un travail sans concession. En composant directement dans la nature, avec la nature, il souhaite agir au plus juste, au plus près des choses. Cette série a pour thème central les instruments de la création et la Création elle même.
Hors-norme, les toiles sont disposées à même le sol. Guidé par son instinct, l’artiste y déverse avec une véhémence qui lui est propre, différents pigments naturels. A l’instar des expressionnistes abstraits, la toile devient « une arène où agir ». L’artiste cultive le sens de la frontalité de l’espace pictural, tandis que la couleur s’affirme dans la sinuosité du mouvement, révélatrice de la rapidité de l’exécution gestuelle. Il compose avec le climat, les minéraux et végétaux en tous genre, trouvés ça et là, à proximité. Car Philippe Pastor se place sur le versant où l’art est moins explication qu’expérience, moins le regard que l’engagement physique. Il se tient dans l’immédiat de la sensation. Une fois ces gestes accomplis, qui déterminent les compositions chromatiques inédites, ces toiles sont laissées sur place, pendant plusieurs mois, en gestation.
Cette étape est décisive dans le processus de création. Il se crée un dialogue avec la nature, une alchimie, une intime cohérence. Au rythme des saisons, les toiles se laissent envahir par différents éléments organiques de l’environnement immédiat. La nature reprend ses droits. Mue par un mouvement sans fin, l’œuvre peut continûment se développer, tout en portant en elle l’idée que chaque trace, chaque présence, devient instrument de mémoire et de transmission.
A son tour, Philippe Pastor réinvestit la toile. Ainsi, plus que dialogue, l’homme et la nature interagissent à la manière d’un fondu enchaîné. Cette étape ultime constitue le point d’orgue de sa démarche : en sélectionnant un cadre dans la toile ou une « toile dans la toile », l’artiste s’attache à créer des « lieux d’intensité », qui condensent en leur sein l’ensemble du processus créatif et reflètent la force de son engagement. L’effet est saisissant. Il en résulte des compositions toutes plus incroyables les unes que les autres et qui placent le spectateur dans un état de réceptivité directe de l’émotion.
A la confluence du singulier et de l’universel, Les Quatre Saisons nous plonge dans la culture de l’humanité, au cœur même de la terre matrice. La fréquentation de son travail, fort, sincère, nous fait prendre conscience de l’aveuglement des hommes qu’il dénonce avec acharnement dans sa peinture. Et si, selon la conception de l’artiste, notre mode de vie actuel nous éloigne de primauté de la Nature, l’œuvre, par la qualité d’empathie propre à l’art, peut s’en rapprocher.
Alexandra Marini